Depuis plusieurs mois, le monde de la culture s’interroge sur la place de l’Intelligence Artificielle. Artistes, musiciens et écrivains redoutent de voir leur univers bouleversé par une technologie capable de générer des images, des textes ou des chansons en quelques secondes. L’arrivée de ces outils dans la sphère artistique suscite autant d’enthousiasme que de craintes, entre innovation prometteuse et menace pour l’authenticité.
C’est dans ce contexte que Mylène Farmer a pris la parole dans les colonnes du Parisien. À l’occasion de la sortie de Dalloway, thriller réalisé par Yann Gozlan, la chanteuse de 64 ans prête sa voix à une intelligence artificielle. Interrogée par Tatiana de Rosnay, elle a livré sa réflexion personnelle sur l’usage de ces outils. Son discours témoigne d’une conscience aiguë des dangers et des limites de la technologie appliquée à l’art.
Un rapport ambivalent à une technologie fascinante
Dans Dalloway, Mylène Farmer incarne une assistante virtuelle dont l’influence grandit peu à peu dans la vie d’une romancière, interprétée par Cécile de France. Une expérience singulière qui l’a poussée à réfléchir sur son propre rapport à l’IA. L’artiste confie qu’elle utilise ponctuellement des outils comme ChatGPT pour des besoins pratiques, tout en reconnaissant leur potentiel. « Il y a quelque chose de fascinant et de merveilleux », admet-elle. Mais cette admiration est rapidement nuancée par un avertissement : « Il faut savoir s’en servir et ne pas devenir l’esclave de cet outil ». Pour elle, la frontière entre usage éclairé et dépendance est ténue, et chacun doit apprendre à apprivoiser cette technologie sans s’y perdre.
Ce recul s’explique par une conviction profonde. Aucune machine, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut remplacer la dimension humaine de la création artistique. « Cette technologie n’a pas d’âme et quand on dialogue avec un public […] c’est irremplaçable. Il faut être humain avant d’être technologique », insiste-t-elle. Le rapport direct, fragile et unique, entre un artiste et son public reste selon elle un mystère que l’Intelligence Artificielle ne pourra jamais recréer. Elle va plus loin en esquissant une piste de réflexion. L’IA peut simplifier la vie ou enrichir les connaissances. Mais son utilisation doit toujours rester au service de l’humain, et non l’inverse. Mylène Farmer ne s’arrête pas à une analyse théorique : elle assume clairement son inquiétude face aux dérives possibles de l’IA dans le domaine artistique.
Mylène Farmer défend la création authentique
« Le vrai danger est de faire croire qu’il y a un artiste derrière chaque clavier d’ordinateur alors que la démarche artistique ne consiste pas à réunir des données », explique-t-elle. Derrière cette phrase, une alerte. Il ne s’agit pas de rejeter la technologie en bloc. Mais de rappeler que la créativité ne peut se réduire à une addition de contenus préexistants. Pour elle, la priorité doit être de protéger « la création, les créateurs contre les imposteurs ». Autrement dit ces productions artificielles qui usurpent la place des artistes sans passer par l’expérience, l’émotion ou le vécu. Cette prise de position fait écho aux débats qui agitent actuellement le monde musical à l’international.
Plusieurs artistes internationaux, de Billie Eilish à Damon Albarn, ont exprimé leur malaise face à des chansons entièrement générées par IA. Certains, comme Angèle, abordent le sujet avec plus de distance, oscillant entre amusement et prudence. Dans le même temps, les plateformes de streaming adoptent des positions divergentes. Deezer a récemment décidé de signaler les morceaux créés par IA. Tandis que Spotify défend l’idée que cette technologie « amplifie la créativité ». Face à ce tumulte, Mylène Farmer tranche avec une certitude : « Ces imposteurs ne passeront pas le cap du public, de l’émotion ». Pour elle, l’art véritable ne peut survivre qu’au travers de la sincérité et du lien vivant entre l’artiste et ceux qui l’écoutent.