Lolita Pille : l’autrice à succès décrit son malaise sur le plateau de Thierry Ardisson

Emporté à 76 ans par un cancer du foie il y a une semaine, Thierry Ardisson emporte avec lui toute une époque. Celle d’une ère pré-#Metoo, notamment marquée par ses interviews cultes dans Tout le monde en parle. En effet, si l’émission est aujourd’hui l’une des plus emblématiques du petit écran, elle reste aussi pour beaucoup de femmes qui sont passées sur son plateau un souvenir amer, voire embarrassant.

Lolita Pille, jeune écrivain à succès dans les années 2000, en a justement témoigné dans une chronique publiée sur Le Nouvel Obs. L’autrice s’y rappelle ses premières invitations sur le plateau de Thierry Ardisson, où elle a été “sexualisée à outrance”, écrivent nos confrères. Aujourd’hui, elle choisit de partager son expérience au nom de toutes celles qui ont été prises au piège dans ces rouages mis en place par l’animateur disparu.

Lolita Pille garde un souvenir amer de son passage sur le plateau de Thierry Ardisson

En mai 2002, alors qu’elle est âgée de 19 ans, Lolita Pille est invitée dans Tout le monde en parle pour défendre son livre intitulé Hell. Dans celui-ci, que la jeune femme a écrit à ses 17 ans, elle raconte la vie d’une jeune Parisienne des beaux quartiers. À la première personne, elle parle de fêtes, d’alcool, de drogue et de sexe. Mais à l’époque, il est difficile de différencier l’œuvre de l’autrice : l’écrivaine est directement associée à son héroïne. Lorsqu’elle arrive sur le plateau de Thierry Ardisson pour la première fois, Lolita prend alors une véritable « douche froide ».

Et pour cause, la jeune femme se heurte, selon ses dires, « à des hommes pour qui ma personnalité d’écrivaine était inintelligible ». « Pour ces hommes de médias des années 2000, j’incarnais un certain type de femme, sur laquelle toute sorte de préjugés d’une misogynie abominable allaient être projetés. Je me suis cognée à l’ambiance de mon époque, qui considérait qu’une jeune femme n’était pas un écrivain, encore moins une écrivaine, mais un objet sexuel qu’il convenait de remettre à sa place », se souvient l’autrice aujourd’hui âgée de 42 ans.

Une image sexiste pour la télévision ?

Toujours d’après Lolita Pille, les jeunes femmes servaient avant tout de divertissement sexiste. « Pour se divertir d’une femme, il faut la maltraiter, la harceler, la réduire au silence », assure-t-elle. Elle cite notamment son propre cas : dès les premières secondes, Thierry Ardisson ironise sur son prénom, laissant entendre qu’il aurait été choisi par ses parents pour exciter « les quinquas ». Un ton graveleux qu’elle dit avoir vu infligé à bien d’autres actrices, réduites à leur physique, bien avant #MeToo.

« Les émissions d’Ardisson étaient conçues comme un porno symbolique, un gang-bang médiatique », ose l’écrivaine, avant d’aller plus loin : « Ardisson était un tueur symbolique de femmes (…) On arrivait avec nos livres, nos carrières, nos vocations… et on nous parlait de nos seins, nos bouches, nos physiques », affirme-t-elle. Pourtant, une fois les caméras éteintes, elle décrit l’animateur comme un autre homme : « En privé, c’était un homme loyal et empathique, dont je n’ai jamais eu à me plaindre ». Des confidences chocs.