L’enseigne Jennyfer, emblématique du vestiaire des adolescentes depuis les années 90, est au bord du gouffre. Ce 30 avril, le tribunal de commerce de Bobigny pourrait prononcer sa mise en liquidation judiciaire. Ce, après une cessation de paiement officialisée par la direction. Les représentants du personnel ont appris l’information lors d’une réunion exceptionnelle. De quoi provoquer une onde de choc parmi les 1 000 salariés.
Reprise début 2024 par deux de ses cadres, Yann Pasco et Jean-Charles Gaume, avec le soutien de leur partenaire industriel chinois Shanghai Pure Fashion Garments, Jennyfer n’a pas réussi à enrayer sa chute. Les syndicats CGT et CFE-CGC dénoncent une gestion opaque et une procédure dissimulée. Alors même qu’un plan de relance avait été lancé quelques mois plus tôt pour redorer l’image de la marque auprès des jeunes femmes.
Une annonce brutale pour les salariés de Jennyfer
Lors de la réunion du 29 avril, la direction a annoncé que Jennyfer se trouvait officiellement en cessation de paiement. Et qu’une audience devant le tribunal de commerce statuerait dès le lendemain sur une éventuelle liquidation. Une prolongation temporaire de l’activité, limitée à deux semaines, fait l’objet d’une requête pour tenter de préserver ce qui peut encore l’être. « Cette annonce violente et brutale plonge les salariés dans une situation très précaire », a réagi la CGT dans un communiqué. Les représentants syndicaux s’insurgent contre la gérance des événements. Ils soulignent un manque de transparence et une absence d’anticipation.
La direction, de son côté, tente de rassurer. Elle précise que les salaires seront assurés par l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés). Bien qu’un délai soit nécessaire pour le traitement. Pour limiter les impacts immédiats, le versement de 50 % des salaires de mai se feraient en mai en avance. Une mesure d’urgence qui ne parvient toutefois pas à calmer l’inquiétude des employés de Jennyfer, confrontés à un avenir incertain. Pour la CFE-CGC, l’espoir d’une reprise semble sans issue. Seuls quelques magasins pourraient potentiellement intéresser d’autres acteurs du secteur.
Une descente aux enfers malgré un plan de relance
Le redressement judiciaire prononcé à l’été 2023 n’avait pourtant pas signé la fin de Jennyfer. À la rentrée, un ambitieux plan de relance se mettait en place : changement de logo, repositionnement de l’offre, élargissement de la cible client… Tout semblait prêt pour moderniser la marque, dont le chiffre d’affaires annuel avoisinait les 200 millions d’euros. La direction annonçait même avoir réduit de moitié les pertes sur l’exercice. Pourtant, en coulisses, la situation restait fragile. Un plan social avait vu le jour à l’automne, supprimant 75 postes au siège et dans la logistique.
La reprise par Yann Pasco et Jean-Charles Gaume, en partenariat avec Shanghai Pure Fashion Garments, sonnait comme un nouveau départ. Mais les difficultés structurelles, à savoir baisse de fréquentation, concurrence accrue et digitalisation manquée, ont eu raison de la relance. Le modèle économique de Jennyfer, fondé sur un réseau de 130 boutiques en propre et 53 affiliées, n’a pas résisté à la crise du retail. Fondée en 1985, Jennyfer aura marqué des générations d’adolescentes. Son éventuelle disparition serait un symbole fort des bouleversements qui traversent l’industrie de la mode. Les jours à venir seront décisifs pour l’enseigne… et ses salariés.